Cette fois j'ai clairement touché mes limites !

La course de l'année... Ou je peux même dire, la course de ma vie. Jamais je ne me suis fixer un challenge aussi impressionnant : participer à une manche de la coupe du monde d'Enduro... Alors bien sur, on se calme tout de suite, je n'ai ni le niveau, ni la prétention de rouler avec les pro (j'aimerais, mais dans une autre vie je crois !). Ici il s'agit bel et bien d'une course amateur, mais qui se déroule sur le même week end et le même parcours que les pros.


Toutes les autres courses auxquelles j'ai participé jusqu'ici avaient pour but de me préparer à celle-ci : être capable de tenir le coup, savoir gérer la pression, être prêt physiquement. Bien sûr, à coté de ça, mon entrainement a été prévu pour : des grosses sorties d'enduro, le plus possible de roulage à vue, et beaucoup de musculation. J'ai optimisé au maximum tout ce que je pouvais : la récupération, la bouffe, tout. Autant que faire ce peut en tout cas, ma vie de famille et professionnelle n'étant pas toujours compatible !


L'idée n'est pas d'y aller avec la prétention de finir devant, je sais très bien que le niveau sera très élevé. Non, l'idée est plutôt d'y aller et de se faire plaisir, vivre un rêve ! Il n'y a rien de plus frustrant que de sentir que l'on est pas prêt, que le physique ne tient pas le coup. Alors au moins là dessus, je ne veux pas avoir de regrets !

VENDREDI : place aux recos !


Cette course je devais la faire avec un copain, Xavier. Malheureusement, la vie en a décidé autrement, une clavicule en vrac l'empêchera de s'aligner sur cette course. C'est donc seul que je monte dans les Pyrénées.


Sur place je retrouve Antoine Hoffman, le journaliste de FullAttack avec qui j'ai déjà sympathisé sur d'autres course, et on décide de faire la journée de reconnaissance ensemble ! En plus il a bon gout pour les vélos 😁

Je passe ma journée à essayer de suivre Antoine, mais on ne va pas se mentir, il est vraiment plus rapide que moi ! J'arrive quand même à l'accrocher sur quelques passages, ça donne cette vidéo bien sympa !

La journée se passe bien : il fait beau, les spéciales sont très sympa, je me régale bien, j'ai du plaisir sur mon vélo, bref, ça fait plaisir et ça met en confiance pour la suite !

LA COURSE - la misère !


Alors on va se dire les choses tout de suite : sur l'aspect physique à proprement parlé, je suis presque déçu du niveau de la course : 5 spéciales, 1150m de D+, la plupart des remontées se faisant en shuttle et/ou en remontée mécanique. Alors loin de moi l'idée de dire que c'était facile, mais quand même, pour un niveau mondial, j'ai trouvé que c'était léger. Je m'étais entrainé vraiment dur, dans ma tête j'allais taper au moins 1500m de D+ voir même 2000m. Et il faut quand même reconnaitre que ça change complètement la physiologie de la course. Quand tu sais que t'as 2000m à la pédale, tu essayes d'en garder, de gérer ta course, pour bien finir. Avec l'entrainement que j'avais, j'espérais même que j'allais en gratter quelqu'un là dessus : jouer sur mon endurance, je sais que je suis très résistant et que je peux encaisser les bornes.


Alors je vais pas bouder mon plaisir de faire des remontées en shuttle et en télésiège, c'est quand même bien cool d'arriver en haut des spéciales en étant encore bien frais... Mais je sais pertinemment que ça ne va pas m'avantager : je ne pourrais pas bénéficier de ma résistance physique pour me démarquer, tout le monde va être en forme tout le long.


Pareil au niveau des descentes : physiquement elles ne sont pas ultra violentes. Je veux dire qu'il y a très peu de relances, pas de quoi faire de grosses différences là dessus non plus.


Les choses sont claires : il va falloir vraiment descendre très vite, en faisant le moins d'erreurs possibles !

L'INVITÉ SURPRISE : LA PLUIE !


Bon OK c'était pas vraiment une surprise, c'était prévu depuis des lustres : la pluie allait faire partie de cette course. Elle a décidé de s'inviter toute la nuit de Vendredi à Samedi. Au petit réveil il fait froid, humide, et c'est un brouillard à couper au couteau que je découvre en ouvrant mes volets.


Sur le coup je me dis "cool ! avec la terre qu'il y a, un peu d'eau ne peut pas faire de mal, ça va rajouter du grip..."


J'y croyais dur comme fer, jusqu'à faire les 1ers 100m de la 1ère spéciale...

SPÉCIALE N°2 - la douche froide !

Oui je sais, c'est bizarre, on commence par la spéciale n°2. En fait, la spéciale n°1 c'est la pro stage que les pros vont rouler aujourd'hui et c'est aussi la spéciale n°6. Dans ma catégorie, on ne fait pas cette spéciale 2 fois, on la fera juste à la fin de la course. Donc on commence par la n°2. Compris ? Y'aura une interro à la fin de l'article 🤓


Bref, trève de plaisanterie parce que je vais pas rigoler très longtemps... Dès le 1er virage, je comprends le calvaire qui va m'attendre... Les pneus deviennent très vite lourd, signe que la boue se colle et reste dans les pneus... Et là, le vélo se met à zipper pour rien... Et je sais que plus je vais rouler lentement, plus les pneus vont se remplir, et plus ça va glisser... Une seule solution : rouler le plus vite possible ! Ce que je m'attèle à faire du mieux que je peux...


La piste ne ressemble plus du tout à celle que j'avais tant aimé le jour précédent. Les 100 mecs qui sont passés avant moi l'ont complètement labouré. Les trajs que j'avais en tête sont souvent impossible à tenir, le vélo va un peu où il a envie d'aller... Et si je le contrains à aller ailleurs, c'est la chute... Je me retrouve d'ailleurs une fois par terre.


Je fais au mieux pour rouler propre, je rattrape le mec devant moi qui me raconte s'être mis 2 OTB et je me dis que finalement je m'en tire pas si mal !


Fin de spéciale, je suis 10ème de ma catégorie sur 26. Pas si mal mais quand même bien frustré ! Antoine me colle plus de 25 sec, ça pique ! Mais d'un autre coté, vu comment il roule bien, c'est plutôt logique !

Spéciale n°3 - du kiff mais...


Alors celle là c'est clairement un monument. Plus de 700 de D-, une piste vraiment typée enduro, un single assez fin, des beaux passages techniques, des beaux virages, bref, le top !


Dès le début une belle grosse relance nous attend, je donne tout, je sens que ça pédale bien, je suis content !


Le vélo prend une vitesse de malade, j'hallucine : j'ai repris mes réglages ces derniers temps, j'ai tout réglé plus dur. Le vélo s'enfonce moins et il ressort plus fort. Ça va très vite mais il faut être bien physiquement pour le suivre. Ici ça me joue quelques tours parce que j'arrive clairement beaucoup trop vite dans de nombreux virages. Du coup je freine fort, je casse ma vitesse et je perds du temps et de l'énergie à relancer ! Mais globalement, je suis pas mécontent de mon Run, je rattrape même le mec devant moi. Juste une petit chute m'aura couté quelques secondes !

Content de mon Run mais... quand je vois mon chrono, je suis dégouté. Je suis 12ème en 9min44sec quand les autres sont autour de 9min, le premier de ma catégorie en 8min52 (encore Antoine)...


Du coup le doute s'installe, la déception aussi. Je ne comprends pas. J'ai vraiment de bonnes sensations mais le chrono ne le montre pas. Un gros coup au moral. Mais pas le temps de se lamenter, il y a encore 3 spéciales à faire !

SPÉCIALE N°4 - TRÈS PEU POUR MOI !


Bon autant se dire les choses sans détour : cette piste, je ne l'aime pas. D'ailleurs je comprends à peine son intérêt sur une course d'enduro. En gros c'est une piste de Bike Park, de niveau vert ou bleu. C'est large, y'a des gros virages relevés. Le genre de piste où je n'arrive jamais à trouver mon flow, je ne sais jamais où me positionner. Comme si j'étais sur une autoroute et que je ne savais pas quelle voix serait la plus rapide.


Bref, le résultat est à la hauteur de mon gout pour cette piste : nul. Je galère, je rame, je casse ma vitesse dans tous les virages, je n'ai aucun flow, c'est vraiment dégueulasse !


Cela dit, pas de chute, je limite la casse, quand c'est physique je relance fort. Je finis 9ème en 8min, à 40sec du plus rapide, toujours Antoine.

SPÉCIALE 5 - tu veux de la boue ?


Alors celle là, c'est énorme. Je l'avais bien aimé la veille en reco, y'avait de la jolie pente, des passages assez techniques, mais je l'avais trouvé assez agréable, pas trop dure. Quelques passages physique qui me plaisaient bien, je la sentais bien...


Mais voilà, que de la terre en sous bois = de la boue en veux-tu en voilà ! Là j'ai vraiment serré les fesses pour pas tomber. Les pneus très lourds, remplis de boue, les passages super raides où tu te demandes si le vélo va s'arrêter un jour. Un pilotage très crispé parce que j'ai clairement pas envie de me faire mal ! C'est pas fluide, mais j'essaye de faire au mieux pour pas perdre trop de temps... Ma seule préoccupation : ne pas tomber, les autres feront surement des erreurs !


Je fini en 4min50, 9ème, à 22sec du 1er, c'est pas pire !

SPÉCIALE N°6 - C'EST MÉGA CHAUD !


Je voulais un peu de physique... nous y voilà ! La liaison pour aller chercher cette dernière spéciale, c'est un col de montage qui dure plus de 5km avec une pente moyenne à 10%... Le genre de truc que j'adore faire avec mon vélo de route. Mais qui deviennent vite interminables en VTT ! Je prends mon mal en patience et je me retrouve en haut parmi les 1ers ! On est tellement en avance qu'on doit patienter 30min pour que la spéciale ouvre.


Je me retrouve 5 ou 6ème à partir, au milieu des meilleurs... Un peu la pression quand même xD


Pour rappel, c'est cette spéciale qui a servit de pro stage le matin même... Il y a donc eu plus de 300 passages des pros, tous plus énervés les uns que les autres !


La piste ne ressemble plus à rien. Je l'avais trouvé facile la veille, c'est devenu un monstre. Des racines ultra glissantes de partout, des rochers dévoilés par les nombreux passages. Un carnage... Un mec de l'orga me prévient très gentiment "tu vois le saut au milieu de la piste ? Ne le prend surtout pas, un pro sur 2 s'est ruiné dessus..." On l'avait reconnu la veille, sans son conseil, je l'aurais pris, et j'aurais fini dans l'arbre en contre bas comme la plupart des pros : la réception s'étant transformée en savonnette !!!


Malgré tout je m'en sors pas si mal sur la 1ère moitié de la piste. Très peu d'erreur, je garde du flow, je suis pas mécontent. Puis arrive la partie dans les rochers et les galères commencent ... Je laisse passer le mec derrière moi qui me double comme un avion, et à partir de là, je ne vais plus réussir à recliper pendant toute cette partie technique... Je me retrouve même dans un gros raidar à avoir le pied qui glisse de la pédale et à manquer de me ruiner !!! J'ai les nerfs, mais d'une force !!! Je roule avec la peur au ventre, c'est tout sauf du plaisir !!!


Sur la fin il y a une grosse relance que j'arrive à bien passer, puis une partie technique dans laquelle je passe vraiment fort !!! Puis une branche va décider de se mettre dans ma roue et je vais finir les 30 dernières secondes avec un vélo qui ne veut plus avancer, la misère !!!


Je fini 7ème de ma catégorie sur cette spéciale, en 7min54, à 40sec du 1er, toujours le fameux Antoine !


Là je fini vraiment dépité... dégouté... écoeuré même.


A ce moment là c'est les seules émotions qui me viennent. Tout ça pour ça ?


Je me suis autant entrainé pour rouler aussi mal ? Pour galérer autant ?


Pourtant j'étais prêt, que ce soit physiquement ou mentalement. Mais ce Putin de sport est sans pitié. La pluie s'invite et c'est plus du tout la même chanson.

L'heure du bilan.


On est 5 jours après la course quand j'écris ces lignes. Je crois que c'est le temps qu'il m'a fallu pour digérer cette course.


Finalement, je termine 9ème/26 dans ma catégorie, et 77ème/182 au scratch. Une performance qui est quand même loin d'être dégueulasse. Pourtant je suis déçu.


Pourquoi ? Je crois que le résultat en tant que tel je m'en fous. Ce qui m'a vraiment frustré, c'est de ne pas prendre de plaisir. Je ne fais pas du vélo pour gagner des courses, je sais que je n'aurais jamais le niveau pour. Non, si je fais du vélo c'est parce que j'aime profondément ça. Alors faire une course entière avec ce sentiment de peur de tomber, d'être toujours à la limite, cette frustration de ne pas pouvoir piloter comme je le veux, c'est ça qui m'a plombé !


Pourtant je pourrais toujours refaire le monde, rien ne pouvait changer ce qu'il s'est passé : c'était juste super dur. La pluie est venu transformé le terrain en une patinoire géante. Et quelque part je peux être fier de moi d'avoir tenu la course entière, d'avoir fait peu d'erreurs, c'était loin d'être gagné.


Mardi matin je suis allé rouler vers chez moi et là j'ai compris. Je suis allé faire des pistes que je trouve habituellement très dures : j'ai eu la sensation qu'il n'y avait plus rien, que le terrain était devenu tout plat. C'est comme si je volais sur la piste, il ne pouvait rien m'arriver.


Et là j'ai compris : les pistes à Loudenvielle étaient loin d'être faciles. La pente était vraiment forte et le grip proche du 0 a rendu l'exercice extrêmement difficile. Mais il fallait que je roule chez moi pour le comprendre.


J'ai aussi compris que les mecs qui roulaient devant moi étaient tous des monstres. Ça roulait très fort et je peux être content de la position que j'ai fait. Mais comme je n'avais aucun point de comparaison (mes potes n'étaient pas là), je me suis comparé à bien meilleur et je me suis cassé les dents !


Ça m'a rappelé pourquoi j'aime les courses : le plaisir de se dépasser, d'aller au delà de ses limites. Progresser, encore et toujours. Et là, je sens clairement que cette course là, m'a fait passer un cap ! La vie est ce qu'elle est : pour avancer, il faut souvent se salir les mains, repousser ses limites, sortir de sa zone de confort. Et cette fois, j'y suis pas allé de main morte !


Un grand merci à ma femme pour me supporter dans mon délire qui me consomme énormément de temps ! Sans ton soutien je ne pourrais jamais vivre ce genre d'expérience dingue ! Merci à tous les potos qui m'ont soutenu de loin, pour vos messages et encouragements sur les réseaux et au téléphone. Et enfin, merci à Antoine pour les bons moments passés ensemble, ça fait vraiment plaisir !